Les sommes infinies, une affaire de convention


François Apéry

L’égalité entre deux nombres n’engendre aucune difficulté dès lors que ces deux nombres sont définis par des procédés « finitistes * ». Mais dès que l’infini, matérialisé par des points de suspension dans les formules, s’invite, c’est la porte ouverte à différents paradoxes. (* Le finitisme est une approche des mathématiques qui ne prend en considération que des objets finis.)

Dans la vie de tous les jours, le calcul ne connaît que les sommes finies :

2 + 2 = 4, 13 + 23 + 33 + 43 = (1 + 2 + 3 + 4)2

A priori, une somme infinie n’a pas de sens. Alors pourquoi les mathématiciens s’ingénient-ils à manipuler des sommes infinies ? Le désir d’infini est propre à l’âme humaine et s’est exprimé, selon les époques, à travers la religion, la philosophie, l’art ou encore les sciences.

 

L’infini et ses paradoxes

À l’occasion d’un congrès en 1880, le mathématicien français Fortuné Landry (1799‒1895) s’avance au tableau et écrit : 

Le calcul est certes intéressant, puisqu’il montre que le sixième nombre de Fermat (ces entiers de la forme  dont Pierre de Fermat a pu penser qu’ils étaient tous premiers) est composé. Mais ce n’est qu’un calcul particulier. Dans La Science et l’Hypothèse, publié en 1902 (Flammarion), Henri Poincaré rappelle que la science mathématique repose sur la notion d’infini et qu’un théorème ne peut se limiter à quelques syllogismes, mais doit se substituer à une infinité de vérifications.

Ainsi, l’égalité 13 + 23 + 33 +… + n3 = (1 + ... Lire la suite