De l'intuition à la rigueur :


le cas des fonctions

Bertrand Hauchecorne

De Cauchy à Weierstrass, la rigueur s'est imposée en analyse tout au long du XIXe siècle. Des croyances erronées ont été balayées par différents contre-exemples et ont contraint à mieux définir les différentes notions. Certaines fonctions « monstrueuses » ont été introduites, fascinantes pour certains et répugnantes pour d'autres.

Forme géométrique 12, inspirée de la fonction W de Lambert.
Toshimasa Kikuchi, 2014.

 

Jusqu’à l’aube du XIXe siècle, aucune définition précise de la continuité d’une fonction, a fortiori de sa dérivabilité, n’était explicitée. Ces notions étaient utilisées sans faire référence à ces propriétés, qui semblaient découler de l’intuition. Les définitions même de fonction, proposées par Leibniz ou Euler, étaient très vagues.

La théorie des séries de Fourier, développée par le célèbre préfet de Napoléon, a changé la donne. On s’aperçoit tout à coup que la somme d’une série composée de fonctions continues, et mêmes dérivables, peut ne pas être continue.

 

Quand Abel s’oppose à Cauchy

 

Pourtant, dans son Cours d’analyse de l’École royale polytechnique, première partie (« Analyse algébrique »), Cauchy affirme :

« Lorsque les différents termes de la série u0, u1, u2… , un, un+1, etc., sont des fonctions de x, continues par rapport à cette variable, dans le voisinage d’une valeur particulière pour laquelle la série est convergente, la somme s de cette série est aussi, dans le voisinage de cette valeur particulière, fonction continue de x. »

Ceci revient à affirmer que la limite d’une suite de fonctions continues est elle-même continue.

Le jeune mathématicien norvégien Niels Abel (1802–1829) se rend compte de l’erreur de son ... Lire la suite