André Antibi (1944–2022)


Jacques Bair et Daniel Justens

Titulaire de deux thèses de doctorat, professeur émérite à l’université Toulouse-III-Paul-Sabatier et à Sup-Aéro, André Antibi s’est surtout fait connaître par ses idées originales en matière de didactique des mathématiques. Mais son action fut beaucoup plus large.

Un organisateur infatigable

 

 

 

André Antibi s’est très vite passionné pour l’enseignement des mathématiques au collège et au lycée, mettant en place et dirigeant une équipe de rédacteurs pour produire une trentaine de manuels scolaires couvrant tous les niveaux, dont il était l’auteur principal. Des dizaines d’articles publiés dans des revues didactiques importantes témoignent de son esprit original d’analyse et de synthèse.

André était aussi un homme de communication, aimant partager ses passions en organisant régulièrement des colloques sur les thèmes qu’il affectionnait. Ses activités ont attiré de nombreux chercheurs de plusieurs pays, qui s’arrêtaient à Toulouse pour peaufiner leurs travaux et les concrétiser par d’imposantes thèses de doctorat, qu’André dirigeait avec souplesse et compétence. Car l’influence d’André Antibi a rapidement dépassé les frontières de la France, s’étendant à la Belgique, l’Espagne, l’Afrique et l’Amérique latine.

 

 

Un didacticien original et parfois contesté

 

 

 

S’il fallait caractériser la façon dont André Antibi dispensait son enseignement, ce serait en admirant la façon qu’il avait de présenter avec simplicité les sujets les plus complexes. Il excellait dans cet art difficile qu’est la vulgarisation. Il restera sans doute comme le révélateur de la constante macabre, ce dysfonctionnement majeur d’un système éducatif qui exige systématiquement un taux constant d’échecs. Bien que ses idées aient séduit de nombreux acteurs de l’enseignement, ses propos furent parfois mal interprétés. Le didacticien avait pourtant précisé d’emblée qu’il s’agissait « de l’analyse critique d’un système, et certainement pas d’une critique de certains enseignants ». La solution à l’échec qu’il proposa, l’évaluation par contrat de confiance, fut adoptée par certains, rejetée par d’autres. Elle fut aussi souvent mal comprise. En fournissant aux élèves un grand nombre d’exercices et de problèmes à résoudre, parmi lesquels se retrouveraient plusieurs questions des évaluations, il entendait les faire travailler davantage tout en leur redonnant confiance. Il ne fut jamais question pour lui d’adopter une position laxiste. Bien au contraire.

 

 

Un musicien rigoureux et créatif

 

Il est enfin impossible d’évoquer André Antibi sans saluer l’artiste qu’il fut. Quiconque a passé une soirée d’après colloque avec lui le sait : que ce soit au piano, à la guitare, ou même à l’aide d’un instrument traditionnel qu’il découvrait à l’instant, il parvenait à créer une ambiance festive mâtinée de tendresse. Il adorait chanter. Auteur, compositeur et interprète, il nous a laissé plusieurs CD, dans lesquels il se livre totalement, avec cette pudeur délicate qui lui était propre. Que ce soit dans Les Deux Maisons (2007) ou dans Au fond de moi (2012), l’homme apparaît dans toute sa profondeur, nous livrant ses doutes et ses fractures.

 

 

 

 

 

 

André était un didacticien, un vulgarisateur dans l’âme et il n’est pas étonnant que l’une de ses dernières créations, son œuvre ultime, soit un manuel, révolutionnaire dans sa conception, ouvrant à tous les portes du Piano d’accompagnement vite et bien (Nathan, 2018). Merci André.