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Les aventuriers de la carte perdue

Kylie Ravera




L'Institut intergalactique est le temple de l'excellence, où exerce le redouté professeur Phi… qui aujourd'hui se trouve souffrant. Sortez vos jeux de cartes !

« L’Institut intergalactique est au regret de vous informer qu’en raison d’un problème de santé, le professeur Phi ne sera pas en mesure d’assurer le cours de mathémagie d’aujourd’hui. Nous vous prions de nous excuser pour le désagrément occasionné. » 

 

À peine la voix suave émanant des haut-parleurs s’est-elle tue que les étudiants rassemblés dans la classe s’égaillent tels des moineaux libérés de leur cage, laissant supposer le caractère limité du désagrément en question.

Seule la jeune Epsilon, élève modèle, semble inquiète.

« J’espère que ce n’est rien de grave… »

Son camarade Bêta la rassure avec un haussement d’épaules. « Il y a une épidémie de rhume-qui-rend-bête sur le campus, je suis sûr que Phi a attrapé le virus. Il doit être vexé comme un pou… En attendant, son absence va me permettre de te présenter un petit jeu qui nous vient du fond des âges. » Il exhibe alors un boîtier rond contenant une pile de cartes du même format, dont un côté est chargé de symboles colorés.

« Toutes les cartes sont uniques, explique-t-il, et comportent chacune huit symboles, tous différents. Le truc intéressant, c’est que deux cartes prises au hasard n’ont qu’un seul symbole en commun. Le but du jeu est d’être le premier à repérer ce symbole quand deux cartes sont retournées. Tu veux essayer ? »

 

Un jeu plein de symboles

 

« Bon, enchaîne-t-il sans avoir attendu la réponse de sa camarade, comme c’est un vieux jeu qui me vient de Papy Askilman, je ne suis pas sûr qu’il soit complet… Il n’y a que cinquante-cinq cartes. Mais ça ne devrait pas nous empêcher de faire une partie. »

Une lueur (que d’aucuns jugeraient inquiétante) s’est allumée dans le regard d’Epsilon. « Je veux bien, répond-elle, mais j’aimerais d’abord m’assurer qu’il ne manque pas du matériel… Quelque chose me dit qu’on doit pouvoir calculer le nombre maximum de cartes permettant de jouer avec un nombre de symboles par carte donné.

Une intuition mathémagique, je parie, gémit Bêta, qui voit s’éloigner la perspective d’un divertissement ludique et léger. Comment comptes-tu t’y prendre ?

Déjà, poursuit Epsilon en examinant rapidement le jeu, on constate qu’il n’y a pas un symbole unique commun à toutes les cartes ; le jeu n’aurait aucun intérêt, sinon. Ensuite, on peut se demander, avec huit emplacements par carte, sur combien de cartes différentes maximum un même symbole i pourrait être présent.

On peut, soupire Bêta. Mais de là dire qu’on doit… »

Epsilon, sur sa lancée, l’ignore superbement. « Supposons qu’un symbole i donné apparaisse sur ni cartes, reprend-elle, et que ni > 8. On sait qu’il y a au moins une carte dans le jeu qui ne contient pas i. Par construction, cette carte a un seul symbole en commun avec les ni cartes, qui, elles, n’ont pas d’autre symbole commun que i. Cela implique que cette carte doit comporter ni symboles différents au moins. Or elle n’a que huit emplacements disponibles, donc on ne peut avoir ni > 8, c’est-à-dire que l’on a ni ≤ 8.

Donc, un symbole donné ne peut être présent que sur huit cartes maximum » résume Bêta, tout en songeant par devers lui « Tout ça pour ça… ».

Et vous, cher lecteur, sauriez-vous déduire de « tout ça » si, avec cinquante-cinq cartes, Bêta dispose d’un jeu potentiellement complet ?

SOLUTION