Dans les programmes scolaires


Anne Boyé

La période dite "des maths modernes" évoque de nombreux souvenirs, certains plaisants, d'autres, nettement moins. Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain ?

Une devinette…

 

À votre avis, de quels manuels sont extraites ces deux définitions ?

Première définition :

« Soit un ensemble E muni d’une opération notée . On dit que (E, ) est un groupe si et seulement si :

1) L’opération interne est associative.

2) Il y a un élément neutre.

3) Tout élément de E a un symétrique dans E.
On dira que (E,
) est un groupe commutatif si de plus :

4) L’opération interne est commutative. »

Deuxième définition :

« Structure de groupe – Un ensemble donné E admet une structure de groupe pour une loi de composition interne notée  si :

1) Cette loi est associative : (a  b)  c = a  (b  c).

2) Cette loi admet un élément neutre e : a  e = e  a = a.

3) Tout élément a admet un symétrique a’ : a  a’ = a’  a = e.

Un groupe est dit commutatif (ou abélien) si a  b = b  a. »

D’un livre universitaire de niveau L1 ou L2 ?
Vous n’y êtes pas !

 

La première est extraite d’un manuel de quatrième de 1973 (Mathématique, 4e, série rouge, collection Queysanne-Revuz, Fernand Nathan, 1973, programme 1971, page 28).

 

La seconde définition provient d’un manuel de terminale C, D, T de 1967 (Algèbre et Analyse, collection Lebossé et Hémery, Fernand Nathan, 1967, programme 1966, page 26).

 

 

Avant les « maths modernes », déjà !

 

Dès les programmes des années 1960, avant donc la période que l’on nommera les « maths modernes », dans les classes scientifiques sont abordées des notions ensemblistes, des notions sur les structures de groupe, d’anneau, de corps, de façon progressive. Ceci met en quelque sorte de l’ordre, organise le savoir pour trouver une certaine unité dans les mathématiques. Cela a un sens et semble assez naturel à ces élèves, qui sont dans les sections scientifiques.

On peut par exemple lire dans les programmes de secondes A’, C, M, M’, du 18 juillet 1960, dans la partie « Les notions “modernes”. Le vocabulaire et le symbolisme » :

« D’autres notions, telles que celles qui touchent aux structures d’ensembles : groupes, anneaux, corps, pourront aussi être introduites, à condition que le terrain ait été d’abord soigneusement préparé ; elles peuvent faciliter la présentation de certaines synthèses et permettre des comparaisons utiles pour l’avenir. »

 

 

Un petit exercice…

 

Voici un exercice d’un manuel de 4e de 1971 (Mathématiques, classe de quatrième, collection Monge, Belin, 1971, programme 1971, page 44), proposé dès la définition posée.

« On considère l’ensemble E = {a, b, c, d}. Soit l’opération dans P, notée , définie de la manière suivante :

Pour tout couple (A, B) de parties de E, le composé de A et B est égal à l’intersection de A et B : A  B = A > B.

1) Déterminer les composés suivants : {a}  {b} ; {a}  {a, c} ; {a, b, c}  {c, d, a}, {b, d}  E.

2) L’opération  est-elle commutative ? Associative ?

3) Soit A une partie de E. Déterminer les composés A  E et E  A. En déduire que E est élément neutre pour l’opération .

4) Existe-t-il une partie A de E pour laquelle on a : {a, b}  A = E ?

5) L’ensemble P, muni de l’opération , est-il un groupe ? »

 

 

En quatrième, dans la période 1971–1973, la définition du groupe est illustrée par l’ensemble (, +) des entiers relatifs et par celui des décimaux (, +). En troisième, on constatera que l’ensemble des isométries est un groupe pour l’opération de composition des applications.

Souvenirs pour celles et ceux qui ont reçu cette formation, parfois avec bonheur, parfois avec désespoir. Reste la question : ne serait-il pas judicieux de réintroduire quelques notions de structures dans l’enseignement secondaire ?