Les groupes introduits par le mathématicien Sophus Lie sont devenus des outils incontournables en physique théorique.

Sophus Lie et les groupes de transformations continues

Le Norvégien Sophus Lie est né en 1842. Sa mère décède quand il a 9 ans. Malgré une stature imposante et une force physique peu commune, mais en raison d’une vue déficiente, il doit renoncer à une carrière militaire. Il poursuit alors un enseignement scientifique à l’université où enseigne, entre autres, Ludwig Sylow.

Lie découvre la géométrie projective par la lecture des ouvrages de Jean-Victor Poncelet (1788–1867) et de Julius Plücker (1801–1868). À 27 ans, il obtient une bourse pour aller à Berlin, où il rencontre Felix Klein. Ils deviennent amis. Ils se rendent ensemble à Göttingen, puis à Paris. Mais on est en 1870 et la guerre éclate entre la Prusse et la France. Klein retourne à Berlin. Après des péripéties, Lie retourne en Norvège où, après son doctorat en 1872, il obtient un poste de professeur, poste spécialement créé pour lui. Il y reste jusqu’en 1886, année où il part à Leipzig succéder à Klein, qui, lui, est parti à Göttingen.

De nombreux étudiants français, particulièrement de l’École normale supérieure, se rendront à Leipzig pour étudier avec Lie la notion de groupe. Lui-même viendra plusieurs fois en France. Souffrant de dépression nerveuse, brisé, il rentre en Norvège en 1898 pour mourir l’année suivante.

Après l’introduction des groupes par Galois en algèbre et par Klein en géométrie, c’est Sophus Lie qui introduit ces notions en analyse en créant la théorie des groupes de transformations continues (aujourd’hui groupes de Lie) et toutes les techniques qui y sont attachées. Il l’expose dans trois volumes publiés entre 1888 et 1893.

 

Sophus Lie.

 

À la croisée de l’algèbre et de la géométrie

Le concept de groupe de Lie permet d’associer deux idées a priori fort différentes : une structure algébrique, celle de groupe, et une notion de géométrie différentielle, celle de variété, qui permet de parler d’éléments « proches les uns des autres », de variations, d’analyse infinitésimale… Un ensemble G, muni d’une loi de composition interne *, est un groupe de Lie si (G, *) est un groupe et si, de plus, on peut munir G d’une structure différentielle de telle sorte que les deux opérations du groupe, à savoir la loi * et l’inversion, sont différentiables.

L’un des exemples les plus parlants est le groupe des rotations planes de centre un point O donné. On peut les représenter par des matrices 2 × 2 du type θ est un réel quelconque.

Cet ensemble de rotations, muni de la composée des applications, forme bien un groupe : la composée de deux rotations d’angles θ et θ ’ est la rotation d’angle θ + θ ’ et l’inversion correspond à prendre la rotation d’angle – θ. Ces deux opérations sont bien différentiables sur .

 

Les applications à la physique

La physique des particules fondamentales a évolué au cours du XX e siècle, mais elle se fonde essentiellement sur l’étude des symétries que ces particules présentent. Ces symétries sont décrites par des groupes de transformations continues. C’est le cas, typiquement, en mécanique quantique (avec, par exemple, les travaux d’Hermann Weyl et d’Eugene Wigner) mais aussi en relativité, suite à certains travaux, en particulier ceux de Henri Poincaré (voir notre hors-série 79) et de Hermann Minkowski. D’une manière un peu provocatrice, on peut dire que la théorie des groupes a « envahi » la physique théorique moderne.

Très souvent, les groupes intervenant dans ces différentes théories sont des groupes de Lie. On y retrouve les bien connus groupes classiques : ce sont des sous-groupes particuliers du groupe linéaire GL n (), groupe des applications linéaires inversibles de , ou de GLn(), son équivalent sur l’ensemble des nombres complexes.

 

Références :

 Les équations de la physique moderne. Bibliothèque Tangente 71, 2019.

 Les invariants. Bibliothèque Tangente 47, 2013.

 Henri Poincaré, à la croisée des sciences. Hors-série 79 de Tangente, 2021.