Alpha et Epsilon se sont portés volontaires pour participer au Salon intergalactique de l’étudiant et représenter non seulement leur école – l’Institut intergalactique – mais aussi leur spécialité : la mathémagie. Il leur incombera ainsi la lourde charge d’inciter de jeunes âmes innocentes à dédier leur existence à l’étude des nombreux secrets, mystères et paradoxes que recèlent l’arithmétique, l’algèbre, l’analyse, la géométrie, les statistiques, la logique… du moins le temps de décrocher le prestigieux diplôme qui leur permettra ensuite d’aller couler des jours heureux et insouciants dans une villa avec piscine et vue sur la mer.
Avant de pouvoir dérouler son pitch, il faut d’abord réussir à attirer le chaland. Les organisateurs ont donné carte blanche à chaque exposant pour meubler et décorer les quelques mètres carrés de stand qui lui est dévolu.
L’art d’attirer le chaland
« On pourrait projeter des photos holographiques de mathémagiciens célèbres » propose Alpha.
Epsilon fait la moue. « Je ne suis pas sûre que cela parle beaucoup aux candidats, surtout aux jeunes…
Et si on décorait plutôt notre stand avec des équations différentielles à plusieurs inconnues, des matrices diagonalisables, des coniques de l’espace ? Ce serait tellement joli ! »
C’est au tour d’Alpha de ne pas être convaincu : « On doit arriver à impliquer davantage les visiteurs. Il faudrait leur proposer plus d’interaction… Quelque chose qui les marque, qui fasse qu’ils quittent le stand en ayant les yeux qui brillent et l’impression d’avoir compris un truc.
‒ Tu voudrais qu’on projette la démonstration du théorème de Fermat, par exemple ?
‒ Hmm, on devrait réussir à trouver quelque chose de moins intimidant… »
Les deux jeunes gens se creusent les méninges quelques instants en silence, jusqu’à ce qu’Epsilon finisse par suggérer : « Et si on proposait un panaché d’énigmes à résoudre ? Tu sais, du genre de celles qui font pousser un “ha ha” de satisfaction quand on en vient à bout.
‒ J’aime bien, approuve Alpha. D’autant qu’il en existe de toutes sortes, et qui couvrent plein de domaines.
‒ Il suffirait de prévoir un écran sur un mur pour en afficher les textes et les illustrations. Et on pourrait très bien utiliser des images de mathémagiciens célèbres pour agrémenter le tout !
‒ Je suis sûr que ça aurait un succès fou, s’exclame Alpha. Il faudrait même deux écrans sur le stand pour satisfaire tout le monde. Et pourquoi on ne décorerait pas une moitié du stand avec mes photos et une autre avec tes équations ? Il suffirait de prévoir de la place au niveau du sol pour les projecteurs holographiques.
‒ Excellente idée ! »
Epsilon entreprend de lancer son communicateur pour représenter une maquette du stand compatible avec leurs souhaits quand un morceau de papier se matérialise devant elle. Rien de surnaturel dans cette apparition puisque le papier en question est tenu par les doigts anguleux du professeur Phi.
« Ahem, toussote-t-il, que diriez-vous de cette disposition ? »
Sans attendre de réponse, il dépose la maquette devant les deux jeunes gens avant de s’éclipser d’un pas vif.
« Tu savais que le proviseur Lambda lui a interdit de se montrer sur le salon ? chuchote Epsilon.
En raison de son caractère…
Il risquerait de faire fuir les candidats potentiels. »
Elle se rend soudain compte qu’Alpha ne l’écoute plus.
Il considère la maquette du professeur Phi en fronçant les sourcils. « Il y a un truc que je ne comprends pas, murmure-t-il.
Comment Phi a-t-il pu réaliser cette maquette avec un morceau de papier d’un seul tenant ? Il n’y a aucun collage… »
Epsilon lui répond avec un clin d’œil : « J’ai l’impression que nous avons trouvé à la fois une disposition pour notre stand et une énigme génératrice de “ha ha” ! »
Et vous, cher lecteur, voyez-vous comment obtenir la maquette du professeur Phi avec une unique feuille de papier standard et sans aucune sorte de colle ?