La construction d’images mentales


Daniel Justens

Peut-on parler d’abstraction de manière concrète ? La question mérite d’être posée puisque dans le langage courant, « abstrait » et « concret » passent souvent pour deux notions opposées. En réalité, les choses sont plus subtiles. Et si l’abstraction n’était qu’une illusion ?

Les dictionnaires ne s’y trompent pas : même si les définitions du terme « abstraction » diffèrent de Robert à Larousse en passant par Hachette, toutes font référence au même concept de « mise en évidence de propriétés générales d’une catégorie d’objets, par opposition aux particularités de certains d’entre eux ». Un fait semble donc transparaître : il pourrait s’agir d’un processus mental, quoique aucun des dictionnaires consultés ne fasse référence explicitement au cerveau.

Et pourtant. L’enfant qui aura vu dix chats différents va reconnaître le onzième et l’identifier comme un chat, même s’il n’a ni la même taille, ni la même couleur, ni exactement la même forme que tous les précédents. Il est difficile d’imaginer que ce processus d’identification, d’abstraction de la notion « chat » ne soit pas la résultante d’un travail cérébral. On peut donc identifier le cerveau comme le moteur de l’abstraction, développant notre capacité à saisir et conceptualiser des similarités et des différences, le tout menant à la représentation symbolique de concepts. Cette capacité n’est pas l’apanage de l’être humain. Le Japonais Tetsuro Matsuzawa (né en 1950), professeur à l’université de Kyoto, étudie depuis des années les chimpanzés de la république de Guinée dans leur milieu naturel (voir Mathématiques et Biologie, Bibliothèque ... Lire la suite gratuitement


références

Mathematica, une aventure au cœur de nous-mêmes. David Bessis, Le Seuil, 2022.
A distinct cortical network for mathematical knowledge in the human brain. Marie Amalric et Stanislas Dehaene, NeuroImage 189, 2019, disponible en ligne (en anglais).