De l’algèbre « concrète » à l’algèbre « abstraite »


Marc Thierry

Au XXIe siècle, l’idée d’algèbre « concrète » semble paradoxale : pour tous, lycéens, étudiants et professeurs, cette discipline est essentiellement abstraite, elle se consacre à l’étude des structures (groupes, anneaux, corps, modules, éventuellement ensembles ordonnés…). Ce ne fut pas toujours le cas.

Jusqu’au début du XXIe siècle, trois sujets ont été privilégiés dans les traités d’algèbre destinés aux étudiants : les substitutions, le nombre de valeurs prises par une fonction de plusieurs variables lorsqu’on permute ces dernières, et la résolution numérique des équations algébriques.

En 1846 sont éditées les Œuvres mathématiques d’Évariste Galois dans le Journal de Liouville. Joseph Liouville, mathématicien reconnu, promet de rédiger un commentaire des travaux du jeune mathématicien mort en 1832 (voir notre hors-série 82 Sur les traces d’Évariste Galois, 2022). Il ne sera jamais rédigé, ou du moins publié.

Le premier grand traité d’algèbre supérieure est rédigé par Joseph Serret en 1849 ; c’est un exposé clair et complet de l’algèbre « concrète », qui s’adresse aux étudiants en mathématiques du niveau équivalent à la licence. Le traité est réédité en 1854 puis en 1866, et la théorie de Galois tient une place toujours plus grande, mais l’approche reste traditionnelle.

 

À gauche : Joseph Liouville (1809—1882) ;
à droite : Joseph-Alfred Serret (1819—1885).

 

Les groupes, la première pierre

En 1870, Camille Jordan publie le Traité des substitutions et des équations algébriques ; il précise en introduction ... Lire la suite